L’adaptation théâtrale de Si c’est un homme de Primo Levi :
Présentation générale
En 1963, Primo Levi a quarante-quatre ans, il travaille toujours à la SIVA (une entreprise fabriquant de la peinture et des vernis chimiques). En 1965, il retourne à Auschwitz à l’occasion d’une cérémonie commémorative polonaise (il y retourne aussi en 1982) lors de laquelle il y eut, dit-il, « beaucoup de bruit, peu de recueillement, tout [y était] bien rangé, les façades [étaient] propres, on a entendu plein de discours officiels… ». Ce premier voyage est moins dramatique qu’il ne l’avait craint. Depuis une dizaine d’années, il occupe une position de témoin défenseur de la mémoire des camps et du génocide. Malgré son tempérament discret, il a fait, à de nombreuses occasions, l’épreuve du public. Mais à partir de 1961, il va vivre des expériences inédites : celles de la radio, puis de la scène. Ces expériences vont donner lieu non seulement à des réécritures, mais aussi à une évolution des thèmes et des valeurs contenus dans ses propres témoignages.
En 1961, eut lieu une première adaptation radiophonique avec « La belle endormie dans le frigo », publiée par la suite dans les Histoires naturelles. Mais c’est surtout l’adaptation, le 24 janvier 1964, de Si c’est un homme à la Canadian Broadcasting Corporation’s qui est importante. Véritable succès, elle dut être reprogrammée deux fois. En avril de la même année, Levi demande à la radio de la RAI (la Radio nationale italienne) à Turin s’il est possible de diffuser à nouveau cette pièce. Le directeur, Giorgio Bandini, accepte avec enthousiasme et recrute un grand nombre d’acteurs non professionnels directement de la rue. Il trouve même un Allemand, pour une voix de SS, qui s’avère plus tard avoir été dans la Wehrmacht à combattre des partisans non loin de Turin. Levi dira que les heures qu’il a passées au studio de la RAI furent parmi les plus heureuses de sa carrière littéraire.
C’est à ce moment qu’un des acteurs, Pieralberto Marchésini (appelé généralement Marché), lui suggère une nouvelle réduction du texte, destinée cette fois-ci à une mise en scène théâtrale. Au début, Primo Levi s’oppose au projet. D’une part, il craint que son texte perde de la force si l’on en multiplie les adaptations, d’autre part, il connaît mal l’univers du théâtre, et encore moins son public qui, dit-il, te regarde, de juge.
Malgré cela, Primo Levi s’attelle à la tâche avec Marché. Le texte est terminé en octobre 1965 et c’est en juillet 1966 que Gianfranco De Bosio, directeur artistique du Théâtre Stabile de Turin, accepte de le prendre. Le spectacle devait être l’événement du prestigieux Festival international du théâtre de Florence, si les inondations catastrophiques de novembre 1966 n’eussent contraint la troupe à trouver un autre lieu. La première se déroule le 19 novembre 1966 au théâtre Carignano dans un espace scénique conçu par Gianni Polidori. C’est un franc succès à la suite duquel s’enchaîne une tournée dans le nord de l’Italie. À son retour, la pièce est de nouveau jouée à Turin du 13 décembre au 4 janvier 1967.
Par la suite, l’adaptation théâtrale de Se questo è un uomo ira en Allemagne et en Angleterre. La pièce est d’ailleurs publiée en allemand et en anglais alors qu’elle reste inédite en France. Elle sera présentée à Rome en 2005 et de nouveau au Stabile de Turin.
Il est important ici de distinguer les mises en scène de la pièce écrite par Primo Levi et Alberto Marché et les nombreuses adaptations du livre, dans son édition de 1958, sous forme de diction du texte par un seul acteur (qui sont parfois de véritables one man show) dont un grand nombre a eu lieu en France, en Belgique, en Angleterre et aux États-Unis.