L’adaptation théâtrale de Si c’est un homme de Primo Levi :
Une vision universaliste
Il s’agit ici d’une adaptation à visée didactique, tout à fait en accord avec l’esprit des années 1960 baignant dans le théâtre d’engagement militant (Biet). De même, dans l’esprit de cette époque, on ne souligne pas la spécificité de la Shoah. Le propos se veut universaliste au risque de ne pas établir clairement la différence entre le système concentrationnaire nazi qui a été institué en 1933. D’une part, la terreur nazie s’est abattue sur les populations des pays occupés, en général, et sur les populations slaves, en particulier. D’autre part, l’extermination des Juifs et de leur culture correspond à un projet, une idéologie et des modes de réalisations techniques et stratégiques spécifiques. Pour parfaire leur crime, les nazis sont allés jusqu’à concevoir l’effacement des traces de leur crimes : au moment de l’évacuation d’Auschwitz, devant l’avancée de l’Armée rouge, les SS ont fait exploser les chambres à gaz. De même, ils ont toujours cherché à faire disparaître les corps de leurs victimes et ils ont démantelé et détruit les centres d’extermination de Treblinka, Sobibor, Belzec et Chelmno).
Au-delà même de l’époque du théâtre militant, ce type d’avertissement est propre à un engagement antifasciste et anticolonialiste, à prétention universelle, que l’on retrouve, entre 1945 et les années 1960, dans la plupart des œuvres à valeur testimoniale sur les camps.
Une des plus célèbres est, à ce titre, Nuit et brouillard (1956) d’Alain Resnais et Jean Cayrol qui se termine par un appel à la vigilance :
Il y a nous qui regardons sincèrement ces ruines comme si le vieux monstre concentrationnaire était mort sous les décombres, qui feignons de reprendre espoir devant cette image qui s’éloigne, comme si on guérissait de la peste concentrationnaire, nous qui feignons de croire que tout cela est d’un seul temps et d’un seul pays, et qui ne pensons pas à regarder autour de nous et qui n’entendons pas qu’on crie sans fin.
Primo Levi, quant à lui, insiste sur le fait qu’il témoigne de son internement à Auschwitz-Monowitz et non d’Auschwitz en général, et encore moins d'Auschwitz-Birkenau, là où fonctionnaient les chambres à gaz. Primo Levi n’a connu Birkenau que le temps fatidique de la Selektion (voir texte / extrait 1).