Primo Levi : Si c'est un homme
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Primo Levi, Rapport sur l’organisation hygiénico-sanitaire du camp de concentration de Monowitz...

Dernière page du « Rapport sur l’organisation hygiénico-sanitaire du camp de concentration de Monowitz pour Juifs (Auschwitz, Haute-Silésie) », rédigée par Primo Levi et Leonardo Debenedetti durant l’été 1945 alors qu’ils étaient tous les deux dans un camp de transit, sous la protection de l’Armée rouge, non d’Auschwitz, à Katowice.
(Pour la version intégrale de ce rapport, cf. Primo Levi, Rapport sur Auschwitz, présentation et appareil critique de Philippe Mesnard, Paris, Kimé, 2005.)


[...] Mais au milieu du même mois [il s’agit de janvier 1945], ils furent interrompus à cause de l’offensive lancée sur le front Cracovie-Jattowitz-Breslavia, face à laquelle les armées allemandes prirent la fuite. Le Camp de Monowitz, comme tous les Camps de la région, fut évacué et les Allemands traînèrent avec eux environ 10.000 prisonniers qui, selon les informations reçues plus tard par des rescapés miraculeux, furent presque tous exécutés par rafales de mitraillette peu de jours après. Les soldats qui les escortaient s’étaient alors rendu compte qu’ils étaient totalement encerclés par les Armées rouges et, donc, qu’ils n’avaient plus la moindre issue pour battre en retraite. Ils avaient déjà parcouru à pieds environ soixante-dix kilomètres, pratiquement sans s’arrêter, dépourvus de vivres à l’exception de ceux reçus juste avant leur départ du Camp et qui consistaient seulement en 1 kg de pain, 75 g. de margarine, 90 g. de salami et 45 g. de sucre. Ensuite, ils avaient été chargés sur divers trains qui, arrivés de toutes les directions, ne purent atteindre aucune autre destination. Il y eut alors le massacre des survivants à tant de fatigue surhumaine : beaucoup, peut-être trois ou quatre mille, qui s’étaient arrêtés exténués le long du chemin, avaient déjà été massacrés en route à coup de revolver et à coup de fusil par les soldats de l’escorte. Dans le Camp même, il n’était resté qu’un millier de prisonniers, inaptes, malades ou convalescents, incapables de marcher, sous la surveillance de quelques SS, lesquels avaient reçu l’ordre de fusiller tout le monde avant de les abandonner.

Nous ignorons pourquoi cette dernière directive n’avait pas été appliquée, mais quelle qu’en ait été la raison, c’est grâce à elle que les auteurs de ces lignes doivent d’être encore en vie. Ils avaient été maintenus à l’hôpital, l’un parce qu’il commandait l’assistance médicale des convalescents et l’autre, parce qu’il était convalescent. L’ordre d’assister les malades ne pouvaient être suivi que moralement puisque aucune assistance matérielle n’était possible du fait que les Allemands, avant d’abandonner le Camp, avaient fait vider l’hôpital de tout médicament et de tout instrument chirurgical ; on ne trouvait plus le moindre comprimé d’aspirine, plus la moindre pince de soin, ni compresse de gaze. Les jours qui suivirent furent des plus dramatiques ; de nombreux malades moururent par manque de soins, beaucoup moururent d’épuisement puisque les vivres étaient épuisés. De même, l’eau manquait car les conduites avaient été détruites par un bombardement aérien au cours des jours précédents. C’est la découverte fortuite d’un stock de pommes de terre enterré dans un camp adjacent pour les préserver du gel qui permit aux moins faibles de se nourrir et de résister jusqu’au jour où les Russes arrivèrent enfin et pourvurent sans restriction à la distribution de vivres.